Si différents, et pourtant si semblables. Les séparent plus d'une génération, des lieux et des caractères. Il s'agit de Giorgio Morandi et Joseph Beuys, deux géants de l'histoire de l'art moderne et contemporain, auxquels la Galleria d'Arte Maggiore consacre une exposition intitulée Imaginary Dialogue, ouverte jusqu’au 28 mai au numéro 15 de la Via d'Azeglio.
Réservé, mais jamais isolé, Morandi est né en 1890 et a longtemps séjourné à Grizzana, où il avait l'habitude de reproduire sur toile, de manière abstraite, les paysages aperçus depuis la fenêtre de sa maison. Joseph Beuys, quant à lui, est né en 1921 en Allemagne, mais s’est toujours intéressé aux dynamiques politiques et sociales de son époque.
Malgré ces différences, la commissaire Alessia Calarota a su identifier des affinités entre ces deux protagonistes. Le premier point de contact réside dans l’attention qu’ils ont tous deux portée aux œuvres en édition. Morandi, par exemple, dans la hiérarchie des langages expressifs, considère la gravure à égalité avec la peinture, au point de la transformer – comme l’écrit le critique Cesare Brandi dans un article de 1946 – "en le centre même de la forme picturale ". Beuys, lui aussi, élève les éditions au rang de canal privilégié de son art, déclarant s’y intéresser en tant qu’instrument de diffusion des idées. À ce propos, Calarota écrit dans un essai : " Le choix de Beuys de produire des œuvres en multiples implique leur fonction de vecteurs facilitant la propagation de messages, ainsi que l’idéologie d’un art “démocratique”, accessible et disponible pour le plus grand nombre. »
Une autre affinité entre Morandi et Beuys, toujours en ce qui concerne les œuvres en édition, se retrouve dans le rôle fondamental que les deux artistes attribuent à la lumière. Les eaux-fortes du peintre bolonais sont en effet une pure recherche de lumière, exprimée par un trait qui devient tantôt plus dense, tantôt plus léger, jusqu’à disparaître complètement. Beuys, en revanche, utilise surtout le gris et des matériaux atypiques (comme le feutre ou la graisse, par exemple), qui lui permettent d’évoquer – comme il le déclare lui-même dans un écrit de l’époque – " un monde lumineux, un monde clair, peut-être même transcendental, un monde spirituel […] à travers une contre-image".
Pour en témoigner, la Galleria d’Arte Maggiore expose un nombre conséquent d’eaux-fortes, dessins, aquarelles et deux huiles sur toile de Giorgio Morandi, mis en dialogue avec Painting Version 69 de Joseph Beuys. Il s’agit d’un exemplaire issu d’une des éditions les plus emblématiques de l’artiste allemand, réalisée entre 1961 et 1975, en 90 copies originales. L’œuvre est composée d’un carton vertical recouvert de tempera grise, sur lequel l’artiste a esquissé les formes de deux crânes de mouton à l’aide de graisse. Les sujets représentés s’inspirent d’une autre œuvre unique de Beuys, intitulée précisément 2 têtes de mouton. Le support en papier, tout comme la monochromie de l’œuvre, sont interrompus par un trou qui conduit le regard du spectateur à l’intérieur d’un pertuis blanc, car ce qui intéresse Beuys, c’est de saisir ce qui dépasse la réalité.