La Galleria d’Arte Maggiore g.a.m. présente, dans son siège historique de Bologne, l’exposition "Au-delà du temps. Trames d’affinités inattendues", un parcours qui traverse plus d’un siècle de recherche artistique, en mettant en dialogue les grands maitres du XXème siècle et certains des protagonistes de la scène contemporaine internationale. L'installation abandonne le simple critère chronologique ou stylistique pour suivre un principe de connexion et de résonance : les œuvres dialoguent entre elles dans un espace fluide, où matériaux, signes et gestes s’entrelacent dans un parcours d’échos visuels et conceptuels, invitant le spectateur à recomposer personnellement une trame de significations qui transcende les époques et les catégories.
Point de départ incontournable : Giorgio Morandi, présenté dans un puissant dialogue avec Ettore Spalletti, déjà célébré avec succès lors d’une exposition en 2014. Comme l’a écrit Francesco Bonami à l’occasion du décès du maitre minimaliste en 2019 : "Mais le Spalletti dont je me souviens le plus est celui que j’ai vu il y a quelques années à Bologne à la Galleria d’Arte Maggiore, où ses œuvres étaient placées à côté de celles de Morandi, un autre génie local qui, dans la simplicité des choses, avait découvert un univers. Les bouteilles de Morandi et les espaces de Spalletti étaient comme des voix dans un duo entre deux sopranos. Légèreté et puissance. Deux qualités que seuls quelques grands maîtres ont su créer et maîtriser dans l’histoire de l’art." D’autres échos de Morandi parcourent les autres salles de la galerie, comme dans la sculpture de Luigi Ontani, Tavolino extrametafisico (2015), qui réinterprète les objets des natures mortes de Morandi dans un nouvel espace, avec ironie et références.
Parmi les grands maîtres du XXe siècle, l’exposition présente également Giorgio de Chirico, avec d’importantes toiles historiques (I gladiatori, 1928) et métaphysiques (Trovatore, 1963), ainsi que la sculpture Orfeo (d’après un modèle original de 1970), exposée dans une association surprenante mais réussie avec les sculptures de Fausto Melotti. Chez de Chirico, on trouve une tension métaphysique, une immobilité ; chez Melotti, un équilibre spirituel, un rythme. Mais les deux artistes nous conduisent dans une expérience mentale où le temps est soustrait à la chronologie.
Un espace d’attente qui résonne avec les créations tridimensionnelles en papier de soie et papier japonais de Claudine Drai, artiste française dont les œuvres sont récemment entrées dans la prestigieuse collection permanente du Centre Pompidou à Paris. Ses figures légères, entre présence et absence, habitent un temps arrêté mais génératif, comme si nous assistions à la genèse silencieuse d’un monde sur le point de naître et qui ne cesse jamais de commencer. Ce silence actif se retrouve aussi dans le fond blanc des œuvres de Sam Francis et Paul Jenkins : il ne s’agit pas d’un vide mais d’un espace en dialogue dynamique avec l’explosion contrôlée de la couleur, fluide chez les deux artistes, en contraste avec Untitled (Spin Drawing, 2003) de Damien Hirst, où la couleur devient système, rythme, contrôle.
L’exposition explore aussi comment un même mouvement artistique a été interprété différemment selon le contexte géographique. L’Art Informel est présenté à travers le point de vue de l’expressionnisme abstrait américain de Franz Kline et son interprétation européenne avec la recherche de Toti Scialoja.
Le pop art britannique d’Allen Jones – qui joue avec le corps et la provocation, interrogeant les conventions sociales avec des résultats conceptuels et une ironie mordante – se confronte à celui américain de Tom Wesselmann – qui transforme objets et nus en icônes stylisées, comme dans Maquette for Bedroom Blonde Doodle Variation (3D) (Black) (1986).
Le surréalisme est également représenté dans ses multiples facettes : Meret Oppenheim, avec le paradoxe et la transformation poétique de l’objet quotidien, comme dans l’iconique Souvenir du "Déjeuner en fourrure" (1970) ; René Magritte, qui bouleverse les conventions logiques par des illusions visuelles et conceptuelles ; et les sculptures de Roberto Sebastian Matta, qui transportent ses visions cosmiques et oniriques dans l’espace tridimensionnel.
Enfin, l’exposition donne la parole à certaines des voix contemporaines les plus intéressantes en Italie, où la matière devient un élément poétique et tactile. Parmi elles : Nino Longobardi, dont la recherche explore une zone suspendue entre trace et mémoire, utilisant résines, terres, papier et objets insérés directement dans la toile, comme dans la grande œuvre Senza titolo (2001) ; et Davide Benati, qui confie ses huiles et aquarelles raffinées au papier tibétain, connu pour sa légèreté, sa translucidité et l’irrégularité de sa surface, évoquant la dimension spirituelle et artisanale des lieux de sa fabrication.
Résultats contemporains d’une recherche sur la matière ayant de prestigieux antécédents, comme l’huile et goudron sur isorel de Piero Manzoni (Senza titolo, 1957), qui défie la peinture traditionnelle en transformant la matière en élément actif et central.
L’exposition se clôt avec Mattia Moreni, avec une œuvre appartenant au cycle des « Humanoïdes », qui a consacré l’artiste comme un véritable visionnaire, ayant su pressentir l’impact de la technologie et de l’informatique sur notre quotidien, anticipant ainsi le débat actuel sur l’intelligence artificielle, et faisant de son œuvre l’une des premières à se confronter à l’innovation de notre époque.
L’exposition se révèle une expérience visuelle et mentale, qui invite à concevoir l’art non comme une simple succession de mouvements, mais comme un réseau de relations, où les œuvres se répondent, se contredisent, se complètent.
Artistes exposés, par ordre alphabétique:
Davide Benati, Giorgio de Chirico, Filippo de Pisis, Claudine Drai, Sam Francis, Damien Hirst, Paul Jenkins, Allen Jones, Franz Kline, Nino Longobardi, René Magritte, Piero Manzoni, Roberto Sebastian Matta, Fausto Melotti, Giorgio Morandi, Mattia Moreni, Zoran Mušič, Luigi Ontani, Meret Oppenheim, Toti Scialoja, Ardengo Soffici, Ettore Spalletti, Tom Wesselmann.