L'histoire de l'art et la culture pop se rencontrent à la Tefaf New York

Les antiquités et l’art moderne coexistent avec Kate Moss figée dans la fibre de verre, le trône en emballage de Virgil Abloh et une star de la télé-réalité
Jillian Billard, The Art Newspaper, Mai 3, 2024

Contrairement à sa réputation traditionalist,  Tefaf amorce une transition lente mais certaine vers l’art et la culture de notre époque. Il y a trois ans, l’organisation a mis fin à sa foire d’automne à New York, dédiée aux arts et objets historiques, pour ne conserver que l’édition printanière, résolument tournée vers l’art moderne et contemporain. Ce virage s’est confirmé en mars dernier lors de la dernière édition phare de la Tefaf Maastricht, où les galeries exposant des œuvres récentes et contemporaines ont, pour la première fois, surpassé en nombre celles spécialisées dans les pièces antérieures au XXe siècle, longtemps emblématiques de la foire.

Avec le retour de Tefaf New York au Park Avenue Armory, les exposants semblent déterminés à élargir le dialogue entre passé et présent. L’événement met cette année à l’honneur plusieurs œuvres marquantes issues des sphères de la pop culture, de la mode et du design — un signal fort que les organisateurs sont prêts à emmener la foire bien plus loin que ce que beaucoup dans le milieu pensaient possible.

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Parmi les œuvres phares mêlant mode et beaux-arts cette année figure Body Armour (Kate), présentée par la Galleria d’Arte Maggiore g.a.m. de Bologne. Il s’agit de la troisième et dernière édition disponible d’une photographie réalisée en 2013 par l’artiste britannique Allen Jones. Figure emblématique du pop art, admiré par Elton John ou encore feu Stanley Kubrick, Jones est principalement connu pour ses peintures et sculptures, ce qui rend Body Armour (Kate) d’autant plus remarquable de par son médium. L’œuvre s’inscrit toutefois pleinement dans son exploration récurrente — et souvent controversée — des représentations de genre.

 

DU DÉCOR DE CINÉMA À L’ICÔNE POP

Le buste en fibre de verre orné d’écailles métalliques, au centre de la composition, a été conçu en 1974 comme accessoire pour un projet cinématographique qui ne vit jamais le jour. Ce n’est qu’en 2013 que Jones le réutilise, dans le cadre d’une commande mettant en scène le mannequin britannique Kate Moss, incarnation ultime de l’esthétique dite heroin chic. La photographie en tirage limité qui en résulte, selon Alessia Calarota, directrice de la galerie, " raconte une époque de glamour et d’icônes, mais aussi celle de femmes perçues comme des objets n’existant qu’à travers le regard de ceux qui les désirent".

"Allen Jones est la pièce maîtresse de notre stand avec cette œuvre consacrée à Kate Moss ", affirme Calarota. " Cela m’a naturellement amenée à réfléchir au thème du corps. J’ai donc choisi d’exposer d’autres œuvres autour de cette question, en montrant comment les artistes l’ont représenté à travers les époques. " Aux côtés de Jones, le stand réunit des figures majeures comme Paul Delvaux, Giacomo Manzù, Giorgio Morandi, Giorgio de Chirico ou encore Pier Paolo Calzolari.

Depuis qu’elle a repris la direction de la Galleria d’Arte Maggiore g.a.m. de ses parents en 2011, Alessia Calarota s’efforce d’insuffler une vision nouvelle à une institution fondée en 1978. Sous son impulsion, le programme s’est élargi pour explorer l’influence de l’art moderne sur les formes d’expression contemporaine. Il n’est donc guère surprenant que cette sensibilité l’ait conduite à présenter une œuvre au fort écho pop culturel. Plus étonnant, en revanche, est le cadre parfaitement assumé que lui offre, cette année, la Tefaf New York.

 

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