Giosetta Fioroni

Giosetta Fioroni (Rome, 1932) naît dans une famille d’artistes : sa mère est marionnettiste et son père sculpteur.
À seulement 22 ans, elle participe à la Quadriennale de Rome de 1955, puis l’année suivante à la 28e Biennale de Venise, qui la propulse sur la scène artistique internationale. Si sa première exposition personnelle a lieu à Milan, à la Galleria Montenapoleone, présentée par Emilio Vedova, le véritable tournant intervient à la fin de 1957, lorsque Giosetta s’installe à Paris comme invitée de Tristan Tzara.

Dans la capitale française, Fioroni assiste à des événements décisifs, tels que l’exposition des monochromes d’Yves Klein à la Galerie Iris Clert, et fréquente des artistes comme Sam Francis, Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle, avec lesquels elle passe ses soirées au Petit Dôme. Autour d’eux gravitent également Samuel Beckett, Alberto Giacometti, Shirley Jaffe, Beauford Delaney, Kimber Smith, Laurence Vail et d’autres figures majeures d’un milieu cosmopolite et intellectuellement effervescent. C’est dans ce contexte que Tzara présente Giosetta à Paul Facchetti, dans la galerie duquel elle expose plusieurs œuvres.

Cette occasion ouvre de nouvelles perspectives : en 1958, elle participe au Salon des Réalités Nouvelles et à une exposition au Städtisches Museum de Leverkusen, marquant une étape importante de son parcours international. Dans son atelier parisien, elle reçoit également Pierre Restany, qui découvre les dessins à l’encre de la série Journal Parisien(1958–62), œuvres animées par ce qu’il définit comme une « nouvelle figuration par l’écriture ».

Dans un va-et-vient constant entre Rome et Paris, et à travers différents contextes internationaux, Fioroni entre en contact en 1958 avec Frances McCann et expose à la Rome–New York Art Foundation, carrefour transatlantique mettant en dialogue la recherche italienne et européenne avec les nouvelles expérimentations américaines. Ces années sont particulièrement intenses et marquées aussi par plusieurs expositions à la Galleria La Tartaruga à partir de 1960, où elle expose aux côtés d’artistes tels que Cy Twombly et Jannis Kounellis.

L’année 1963 est déterminante : Giosetta Fioroni inaugure sa première exposition personnelle à Paris, à la Galerie Breteau. Burri et Scialoja participent à l’accrochage — le premier avec enthousiasme, le second avec perplexité, face à des œuvres qui commencent à montrer des signes clairement identifiables : « lèvres, cœurs, téléphones… et autres mouvements rapides et objets », comme le note l’artiste elle-même.

De retour définitivement à Rome la même année, Fioroni s’immerge dans les dynamiques culturelles de la Piazza del Popolo et du Caffè Rosati, lieu de rencontre de Mario Schifano, Franco Angeli et Tano Festa. Elle devient l’unique femme du groupe qui sera ensuite appelé l’École de la Piazza del Popolo.

Les années 1960 marquent également le début des célèbres Argenti, parmi ses œuvres les plus emblématiques, réalisés à partir d’images projetées sur toile et peintes avec des émaux industriels de couleur aluminium, leur conférant un effet réfléchissant. Ces œuvres utilisent une forme de sténographie allusive, composée de signes récurrents que l’artiste appelle des « sténogrammes » : des éléments reconnaissables tels que des cœurs, des mains ou des objets, chargés de valeurs symboliques et métaphoriques. Dans l’ensemble de sa production, et particulièrement dans ces œuvres aux émaux, se distingue sa prédilection pour le visage féminin, le portrait et la mémoire affective.

Son travail s’entrelace avec celui des poètes et écrivains du Gruppo ’63, parmi lesquels Arbasino, Balestrini, Moravia, Garboli, Ceronetti, Zanzotto, Erri De Luca, Marcoaldi et Fusini, et à partir de 1964 elle est liée à l’écrivain Goffredo Parise. Cette même année, elle expose à la 32e Biennale de Venise, une participation qui consolide définitivement le Pop Art en Italie, tout en s’en distinguant par une approche plus introspective et artisanale que celle de la Pop Art américaine.

À la fin des années 1960 naissent les teatrini, petites scénographies inspirées d’un modèle en bois utilisé par sa mère pour les spectacles de marionnettes. Au cours de ces mêmes années, Fioroni expérimente également avec la caméra, réalisant des films en 16 mm et Super 8 aujourd’hui conservés à la Galleria d’Arte Moderna de Turin.

En 1970, elle participe à Vitalità del Negativo, exposition organisée par Achille Bonito Oliva au Palazzo delle Esposizioni. Durant les années 1970, elle séjourne dans la campagne vénitienne avec Parise, où elle élabore le cycle des Spiriti Silvani, né de son intérêt pour les légendes rurales et influencé par la lecture de Vladimir Propp. Cette recherche aboutit à des « vitrines » en bois contenant feuilles, plumes et annotations sur des figures fantastiques. Vers la fin de la décennie, elle revient à la peinture, d’abord avec des aquarelles et des émaux, puis avec des pastels inspirés des fresques de Giandomenico Tiepolo (1984–87).

Les années 1990 sont marquées par d’importantes expositions personnelles, des collaborations avec des musées et des projets innovants. De nombreux musées italiens lui consacrent des expositions personnelles et rétrospectives, notamment la Galleria Nazionale d’Arte Moderna (GNAM), le MACRO à Rome, la GAM de Turin, le MAMbo de Bologne et le CSAC de l’Université de Parme. En 1990, une grande rétrospective retraçant l’ensemble de sa carrière se tient à la Calcografia Nazionale de Rome. À partir de 1993, elle travaille la céramique à la Bottega Gatti, développant des thèmes tels que les teatrini, les contes, les maisons et les costumes des héroïnes de la littérature.

Entre la fin des années 1990 et le début des années 2000 se succèdent plusieurs grandes rétrospectives : à Ravenne en 1999, une vaste exposition présentant tous ses tableaux des années 1960 jusqu’alors ; à Mantoue, l’exposition Giosetta Fioroni, lettres à amis, artistes, poètes… (2000), mettant en valeur sa passion pour la calligraphie et ses liens avec les écrivains ; suivie de Dì al tempo di tornare à la Chambre des députés (2001) et de Senex. Portrait de l’artiste avec le photographe Marco Delogu (2002). En 2003, la ville de Rome lui consacre une importante rétrospective, La Beltà. Œuvres 1963–2003.

En 2007, le Musée international de la céramique de Faenza (MIC) lui dédie une exposition personnelle consacrée à ses œuvres en céramique, faisant suite à la publication d’un catalogue chez Skira en 2005. En 2009, Skira publie la première grande monographie consacrée à l’artiste, sous la direction de Germano Celant. En 2013, pour ses 80 ans, s’ouvrent L’argento au Drawing Center de New York et My Story à la GNAM de Rome.

De 2013 à 2020, ses œuvres figurent dans de nombreuses expositions collectives en Italie et à l’étranger, notamment au Palazzo delle Esposizioni, au Madre, au MACRO, au Guggenheim de Venise, au Museo Novecento et au Quirinal, ainsi qu’à la Fondazione Prada, où en 2017 est exposée sa célèbre Spia Ottica (1968), œuvre qui met en lumière l’ambiguïté entre libération sexuelle et objectification du corps féminin, ainsi qu’entre rébellion individuelle et influence idéologico-politique.

Hors d’Italie, elle expose au MOMMA de Moscou en 2017 avec l’exposition personnelle Giosetta Fioroni. The 60’s in Rome, à l’Institut culturel italien de Londres (2018), au MAMAC de Nice (2020) et en 2022 au CAMEC de La Spezia.
Le 24 mai 2023, elle reçoit le Prix national pour l’ensemble de sa carrière Elio Pagliarani.